Les technologies de la sécurité et les Jeux olympiques dans le contexte du système juridique français

Des représentants des autorités françaises et du secteur privé ont discuté du déploiement des technologies de sécurité pour les Jeux olympiques de Paris 2024 (26 juillet-11 août 2024) et des défis et/ou des limites du cadre juridique français lors de Milipol Paris 2023.

“Face à la sophistication croissante des différentes formes de criminalité, la technologie a de plus en plus un rôle essentiel à jouer”, a déclaré Julie Mercier, directrice des entreprises de sécurité, des partenariats et des armements (DEPSA), l’organisme gouvernemental chargé des partenariats en matière de sécurité, dans son discours d’ouverture de la première session “Jeux olympiques et technologies de sécurité” lors de la conférence matinale de Milipol, qui s’est tenue le jeudi 16 novembre 2023.

S’exprimant sur le rôle de la DEPSA, Julie Mercier a expliqué que le département nouvellement créé sous l’égide du ministère français de l’Intérieur sera, entre autres responsabilités, impliqué dans l’élaboration du cadre réglementaire de la France dans le domaine des technologies de la sécurité. “Nous avons un rôle extrêmement important à jouer dans le soutien de l’évolution des cadres réglementaires afin de pouvoir aider au développement de nouvelles solutions”, a-t-elle précisé.

“Nous voyons de plus en plus de solutions, en particulier en termes d’intelligence artificielle, qui peuvent potentiellement menacer la liberté publique, et donc la capacité d’avoir un dialogue clair avec les différents organismes de contrôle sur les objectifs derrière la technologie et d’être en mesure d’avoir une législation qui permet l’innovation tout en respectant la liberté publique qui est un axe majeur (des responsabilités de la DEPSA).”

Les participants à la table ronde qui a suivi se sont concentrés sur le cadre juridique actuel de la France et sur le contraste entre ce qui est possible en matière de technologies de sécurité et ce qui est légal, en particulier dans le contexte des prochains Jeux de Paris.

Lionel Le Cleï, conseiller stratégique et opérationnel auprès du PDG, VO, de la société française de technologie de sécurité, Thales Group, a évoqué les possibilités de reconnaissance faciale dans les aéroports, une technologie que la société met déjà en place à Singapour, mais dont l’utilisation n’est pas légale en France.

Laurent Pellegrin, vice-président pour la France de la division Sécurité publique et identité de la société française de sécurité IDEMIA, a plaidé en faveur de la légalisation de systèmes tels que l’API-PNR, un nouveau fichier de contrôle du transport aérien, autorisé par la loi à titre expérimental. “Pour la première fois, il existe un système important qui nous permet de récupérer des données auprès de compagnies aériennes situées en dehors de l’espace communautaire de l’UE, afin de les faire traiter par la police et d’autres services”, a-t-il affirmé.

Des avancées qui ne peuvent pas encore être déployées

Selon Laurent Pellegrin, la France dispose de systèmes biométriques parmi les plus avancés au monde, mais en raison du système réglementaire quelque peu restrictif du pays, cette technologie de sécurité ne peut pas toujours être déployée.

“La question est que le cadre réglementaire n’est pas prêt, ou que ce que l’on peut interpréter comme l’acceptabilité sociale n’est pas encore suffisamment prise en compte, a-t-il souligné. Chaque fois que l’on met en place une technologie, il y a un enjeu d’appropriation, d’acceptabilité. Et nous devons constamment faire ce qu’il faut. Ce qui est rassurant en France, c’est qu’on se pose vraiment cette question.”

“Nous avons un cadre qui est à la fois le résultat d’un droit souple et très restrictif”, a indiqué Merav Griguer, avocate et membre des barreaux de Paris et de Jérusalem, en louant le système français. Cependant, elle affirme également qu’il reste des zones d’ombre non couvertes par le droit actuel.

Pour clarifier davantage le système juridique français en matière de sécurité, elle a expliqué : “Il faut apporter un grand nombre de garanties”. “Ainsi, ce que nous demandons clairement de résumer, c’est que la technologie en question soit nécessaire, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas d’alternatives. Il faut justifier que ce recours à une technologie intrusive et donc risquée est nécessaire, qu’il est proportionné.”

Hélène Brisset, Chief Digital Officer chez Île-de-France Mobilités, l’organisation qui assure la sécurité des passagers dans le réseau de transport de la région parisienne, s’est montrée moins préoccupée par les contraintes juridiques et éthiques ; elle a défendu la nécessité d’une technologie de sécurité robuste dans le contexte de 10 millions de voyageurs par jour.

Hélène Bisset a affirmé que la technologie en elle-même n’est pas préjudiciable et qu’à son avis, la question est de savoir comment elle est utilisée. “La pertinence de la technologie dépend directement de son contexte d’utilisation, a convenu Lionel Le Cleï. Ainsi, lorsque nous avons un événement, un défi de l’ampleur des Jeux olympiques, c’est un formidable accélérateur qui nous permet de nous poser les bonnes questions.”

En ce qui concerne la protection de la façade maritime de la France pendant les différents événements olympiques qui s’y dérouleront, Gilles Boidevez, préfet maritime de la Méditerranée, a rappelé que certaines technologies ne pouvaient pas être utilisées en raison de restrictions juridiques. “Lorsque nous interceptons quelqu’un sur le front de mer, il faut pouvoir garantir l’identification de la personne le plus rapidement possible. Aujourd’hui, nous pouvons faire du contrôle facial rapide de fichiers, mais nous n’avons pas la capacité de croiser rapidement, par exemple, un contrôle facial avec ces fichiers”.

Arnaud Bourguignon, général de brigade aérienne chargé de la protection aérienne et antidrones des JO, a insisté sur la responsabilité d’assurer l’intégrité de l’espace aérien national pendant les Jeux de Paris, en particulier en ce qui concerne les drones. “Le cadre juridique des Jeux olympiques a été un véritable catalyseur pour la lutte contre les drones, a-t-il affirmé. Une loi qui nous permet d’éliminer les drones a constitué une avancée considérable dans le cadre juridique.”

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